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Ecoutez les témoignages d’Aliou Sane (Y’en a marre), de Smockey (Balai citoyen), de Floribert Anzuluni et Yangu Kiakwama (Filimbi), qui nous retracent les parcours des différents mouvements citoyens africains dans lesquels ils sont impliqués...
Cette série de vidéos a été réalisée par Pierre Martinot et montée par Matthieu Dangy, dans le cadre de la création de l'ouvrage collectif du GRIP "Une jeunesse africaine en quête de changement"
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Filimbi, Y’en a marre et le Balai citoyen sont des mouvements essentiellement urbains. Issus d’une génération hyper connectée et tirant les enseignements des « Printemps arabes », leurs leaders maîtrisent les codes de la communication et utilisent Facebook et Twitter pour s’informer mais aussi informer et appeler à la mobilisation des membres et sympathisants.
Les réseaux sociaux occupent donc une place capitale dans la communication de ces trois collectifs, leur garantissant une visibilité permanente et croissante tout agissant comme un puissant amplificateur d’idées. Cette communication 2.0 a fortement contribué à leur dynamique. Avec les réseaux sociaux, la capacité de communiquer est instantanée et permanente. La relation avec les amis et les twittos se fait en direct et ceux-ci, s’ils sont encore majoritairement urbains, se recrutent désormais de plus en plus dans le monde rural grâce au développement d’internet.
« Nous investissons beaucoup dans les réseaux sociaux pour l’ubiquité qu’ils permettent, avoue Yangu Kiakwama. Mais nous sommes aussi conscients que ce ne sont pas les réseaux sociaux qui sont les militants. La révolution ne se fera pas sur Twitter. C’est un canal pour véhiculer des messages mais après les choses se font dans la réalité. La qualité d’un acte militant passe par le contact et l’échange entre des personnes ».
« Il faut tout utiliser, explique de son côté Smockey. Tous les créneaux sont importants. Même la radio est très efficace dans un pays comme le Burkina Faso. »
À l’échelle nationale, même si Y en a marre et le Balai Citoyen ont permis à leur pays de connaître l’alternance démocratique, les trois mouvements sont conscients du travail qu’il reste à accomplir.
Le cœur de la contestation et de leur positionnement est bien évidemment le respect des lois et des droits humains, mais les trois mouvements interpellent également les autorités sur des dossiers plus thématiques touchant le quotidien des citoyens. Et la liste des revendications est longue : assainir la gestion de la chose publique, lutter contre la pauvreté, la corruption et le chômage des jeunes, promouvoir l’éducation, restaurer l’appareil judiciaire, améliorer le système de santé, bref, restaurer l’autorité de l’État.
Ce travail de fond reste à accomplir à l’échelle de l’ensemble de la population et pour y arriver, Filimbi reconnaît que le « défi sera de sortir des villes pour aller au fond du Congo ». Pour cela, il faudra contourner les écueils sécuritaires dressés par le pouvoir qui voit en Filimbi un mouvement subversif, voire terroriste.
Au Burkina Faso, tout le monde se sent aujourd’hui concerné par les actions de terrain des cibals et cibelles du Balai Citoyen. « Au début, c’était la jeunesse, mais aujourd’hui, on voit de plus en plus de tantie et des tontons qui veulent s’impliquer », témoigne Smockey.
Au Sénégal également toutes les couches de la population sont présentes dans les cellules et se sentent concernées par le combat de Y en a marre. Pour Aliou Sane, « Y en a marre est le cadre d’expression d’une citoyenneté où tout le monde se retrouve ».
Observateurs attentifs de la marche de leur pays, les mouvements citoyens entretiennent des échanges entre eux, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Ils sont véritablement portés par des valeurs panafricaines et inspirés par la mythologie révolutionnaire africaine.
Parmi eux, l’idée d’un réseau panafricain fait son chemin : se structurer sans s’institutionnaliser.
Rassemblés à Ouagadougou en juin 2015, une trentaine de représentants des mouvements citoyens originaires du Burkina Faso, du Sénégal, de la République démocratique du Congo, du Togo, de la Mauritanie, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, du Mali et du Cameroun ont exprimé leurs inquiétudes face aux dérives de leurs pouvoirs respectifs, sourds et aveugles face à la colère citoyenne. Dans la Déclaration de Ouagadougou des Mouvements citoyens africains qui a conclu les travaux, ils se sont aussi engagés à travailler en réseau et à valoriser leurs expériences respectives dans le but de libérer et de démocratiser le continent. La plateforme commune des mouvements citoyens en Afrique qui devrait voir le jour affiche aussi clairement la volonté d’aider à la création de mouvements similaires dans certains pays où il n’en existe pas.
« Nous voulons stimuler d’autres jeunes pour que des mouvements similaires voient le jour, explique Floribert Anzuluni ».
Pour leur efficacité à l’échelle continentale, Smockey insiste sur la synchronisation des actions menées par ces mouvements tout en rappelant la nécessité de voir une relève assurée par d’autres citoyens dans d’autres pays.
La similitude des problèmes africains justifie des rencontres périodiques entre les mouvements, afin de partager des expériences et pistes d’interventions. Mais pour entretenir ce réseau international, « nous devons prendre l’initiative de nous rencontrer et non plus attendre les invitations qui nous permettent de nous voir périodiquement, dit Aliou Sane ».
« Tout est partisan au Congo, rappelle Floribert Anzuluni. L’intérêt commun ne prend plus le dessus. Même la société civile sert les intérêts personnels de la majorité ou de l’opposition ». Peu éduqués et face à de tels constats, la plupart des jeunes Congolais manquent totalement de repères, d’idéal et, au final, peu d’entre eux connaissent les luttes citoyennes et totalement désintéressées qu’ont menées des personnalités historiques comme Lumumba ou Mandela. C’est ce déficit de savoirs et de repères que veut combler Filimbi pour réveiller les citoyens : remettre à l’avant-plan des figures historiques porteuses d’un idéal pour que les jeunes générations aient des racines, des principes et des valeurs. Mais l’éveil est un processus de longue haleine. À terme, il faudra que les jeunes Congolais développent des capacités pour pouvoir reprendre le contrôle de la direction du pays.
Au Sénégal, jusqu’il y a peu, les citoyens suivaient aveuglément la classe politique dans les choix qu’elle prenait, qu’ils soient bons ou mauvais. Une sorte de défaitisme et de passivité s’était installée dans le cœur des citoyens et même de la société civile. Mais aujourd’hui, grâce à la sensibilisation et à l’action de Y’en a marre, les cadres d’expression citoyennes existent et montrent la voie aux politiques. Les personnes qui mènent ce plaidoyer n’ont pas nécessairement l’ambition du pouvoir mais elles fixent un cap à la classe politique.
« Le Congo appartient à tous les Congolais », déclarent les Filimbi. À travers la contestation et l’action, le collectif souhaite que la population soit consciente qu’elle a la possibilité de prendre les choses en main, qu’un changement dans le pays est envisageable. Les actions menées ou soutenues par Filimbi visent à éveiller la conscience des Congolais face au respect des lois et de la Constitution. Pour mener ses actions, Filimbi descend sur le terrain et, quartier par quartier, conscientise les citoyens. La manière d’agir du collectif est de nature non violente et les actions doivent s’inscrire dans le respect des lois. Pragmatique, Filimbi affiche une forte sensibilité au symbolisme, convaincu que le rapport de force peut s’inverser uniquement grâce à la symbolique d’une action. « Nous mettons beaucoup d’importance dans le côté symbolique de l’action. Ce qui compte pour nous, c’est l’objectif que l’action doit atteindre », dit Floribert Anzuluni. Aujourd’hui, si les jeunes sont les plus expressifs dans la manifestation de leur soutien à Filimbi, c’est aussi parce qu’ils peuvent compter sur le soutien implicite de leurs parents, souvent réticents par le passé à voir leur progéniture s’engager, compte tenu des risques que cela entraîne.
Au Burkina Faso, le Balai citoyen s’est toujours présenté comme un mouvement privilégiant l’action aux longs discours. « Nous avons une arme que certains n’ont pas et on appelle cette arme-là, la naïveté. Nous ne voulons pas croire ce qui est. Nous voulons croire ce qui devrait être. Et nous y croyons parce que nous avons eu l’occasion de vérifier sur le terrain que c’était possible », explique Smockey. Les actions les plus fortes du Balai citoyen et des Cibals sont bien entendu les mobilisations populaires qui, entre le 21 et 30 octobre 2014, ont poussé au départ Blaise Compaoré et la mise en échec du putsch de Gilbert Diendéré le 22 septembre 2015. Pour les leaders du Balai Citoyen, rien ne devait être laissé au hasard car les deux événements étaient historiques et décisifs. Aujourd’hui, le mouvement est passé à un nouveau stade de sa maturation. Pour Smockey, « il y a eu un moment où il fallait se faire connaître, quitte à faire quelques actions d’éclat, mais […] aujourd’hui, la priorité est aux actions concrètes de terrain ». Si le Balai Citoyen continue de se positionner en sentinelle de l’insurrection populaire, il se focalise désormais sur son objectif de promotion de la conscience citoyenne au sein de la jeunesse. Les clubs cibals organisent des actions de salubrité ou de soutien dans leur quartier afin de mettre en pratique la définition de l’homme intègre et de sensibiliser les habitants à un nouvel art de vivre ensemble.
Au Sénégal, pour promouvoir le « Nouveau type de Sénégalais » (NTS) et l’idée d’une conscience citoyenne, YAM a mené dès le début de son histoire de multiples actions sur le terrain. L’objectif étant d’amener le changement de manière non violente. De nombreuses actions citoyennes ont été mises en œuvre comme des opérations d’assainissement avec la construction de poubelles en pneus recyclés ou des actions à portée plus politique, telle « 1 000 plaintes contre le gouvernement » (2011) ou la « campagne électorap » (2014). Parfois, il lui a fallu ruser avec les autorités pour éviter les arrestations lorsque les manifestations et concerts pédagogiques étaient interdits.
À travers différentes initiatives, YAM encourage la participation citoyenne au niveau local afin de permettre à chacun d’être acteur, de participer au débat public et de lui en donner les moyens et les outils. Dans ce cadre YAM informe, sensibilise et forme sur des questions de gestion des finances publiques, l’obligation de rendre des comptes, le budget participatif, la prise en compte du genre, etc. Selon Fadel Barro, autre leader du collectif, ce type de programme est la quintessence de Y’en a marre. « Nous voulons faire émerger une société civile de masse, qui ne soit pas l’apanage d’une élite », rappelle Aliou Sane.
Pour des raisons d’efficacité, l’organisation interne des mouvements est cruciale.
Au Sénégal, la structuration de YAM est volontairement sécurisée pour éviter les infiltrations. « Il y a un noyau dur composé des membres fondateurs et des esprits qui sont les démembrements du mouvement dans le pays », explique Aliou Sane. Ces démembrements locaux sont la base de l’engagement du Y’en a marriste : chacun est amené – à son niveau, là où il est et avec les moyens dont il dispose – à participer au projet de société. Il n’y a pas de profil type, tout le monde peut s’engager au niveau d’une cellule et être actif, « être utile et faire quelque chose pour son pays ». Les Esprits sont là pour réveiller les pensées, aiguiser les consciences et faire émerger un « Nouveau type de Sénégalais » (NTS). Et pourquoi pas, un nouveau type d’Africain ! Pour faire jaillir les richesses de cette jeunesse, YAM a lancé l’idée de noyaux d’initiatives, petites cellules où les jeunes peuvent mettre à profit leurs capacités pour créer des projets ensemble.
Pour Smockey du Balai citoyen, s’organiser, c’est gagner ! « Le mouvement est dirigé par la coordination nationale. Et dans les quartiers, il y a les clubs Cibal, les Citoyens balayeurs », précise-t-il. La Coordination nationale, composée de treize membres, est la « locomotive » du mouvement. Quant aux clubs Cibal, ils fonctionnent de la même manière que les comités de défense de la Révolution, instaurés dans chaque village et dans chaque quartier sous Thomas Sankara et qui avaient pour fonction de mobiliser et d’encadrer la population tout en veillant à l’exécution des décisions et au maintien de l’ordre public. Au Balai citoyen, ces cellules sont regroupées par commune ou par arrondissement en points focaux. Ces organes, une quinzaine dans le pays, veillent à la coordination et au bon fonctionnement des clubs. À l’étranger, des ambassades cibal assurent le même rôle ; elles rassemblent des membres de la diaspora en France, en Libye, à Bruxelles, Montréal, New York… Le Balai fait aussi appel à des personnes ressources, parfois appelées « sages ». Ceux-ci ne font pas partie du mouvement mais leurs analyses alimentent la réflexion.
En RDC, afin d’être en phase avec sa vision participative de la démocratie, Filimbi a également choisi d’être un collectif, c’est-à-dire une somme d’individus complémentaires mettant leurs parcours et expériences diverses au service d’objectifs communs. Ce type de fonctionnement permet de mutualiser les moyens humains et financiers mais aussi les expériences et les idées. Le collectif permet d’éviter l’effet de personnalisation, source de tension et de conflit de leadership dans un grand nombre d’associations. « C’est une coordination qui dirige Filimbi parce que nous voulions éviter de surinvestir sur un individu », précise Yangu Kiakwama. Pas de chef, ni de président, donc… La gestion quotidienne est ainsi assurée par une coordination qui comprend actuellement Floribert Anzuluni (coordinateur), Frank Otete (chargé de stratégie et communication) et Yangu Kiakwama (porte-parole) et Carbone Béni Wa Béya (en charge de la mobilisation et déploiement), d’autres rôles sont à combler. Leur rôle : fédérer et coordonner toutes les énergies. Le collectif privilégie la constitution de cellules, c’est-à-dire un noyau d’une dizaine de personnes qui se connaissent, s’associent pour former une Sinzili, une sentinelle fonctionnant avec un coordinateur et un chargé de mobilisation. Ces Sinzili évoluent de manière assez indépendante. Confrontés à des réalités qui leurs sont propres, leurs membres réfléchissent et débattent des problèmes locaux, aux solutions et aux modes d’action les plus adéquats pour les résoudre.
Les trois mouvements sont animés par une même motivation : éveiller les consciences en rappelant les valeurs de personnages emblématiques.
Pour Sams’K Le Jah, le rôle du Balai citoyen se situe surtout au niveau de l’éducation de la jeunesse. « Notre mission aujourd’hui, précise-t-il, c’est de créer un nouveau type de Burkinabé dont on rêve, le Burkinabé dont Sankara a rêvé, l’homme intègre, digne, travailleur, qui rêve pour son pays, un peuple qui aime les autres peuples. » Thomas Sankara, leader emblématique de la révolution burkinabè (1983-1987), « c’est notre icône, c’est le premier cibal » disent les membres du Balai citoyen. Mais il n’est pas la seule source d’inspiration. « Nous sommes tous des enfants de Thomas Sankara et de Norbert Zongo… » insiste Smockey. En citant le nom de Zongo, il rappelle ainsi le rôle majeur du journaliste dans l’histoire du pays, connu pour ses nombreuses critiques envers le régime de Compaoré et qui fut assassiné le 13 décembre 1998 alors qu’il enquêtait sur un meurtre politique impliquant le frère du Président.
En RDC également, l’éveil des consciences citoyennes est aussi le leitmotiv du mouvement Filimbi. Tous les membres fondateurs sont inspirés par les luttes de Patrice Lumumba qui ont conduit le peuple congolais à se lever pour obtenir l’indépendance. « Le sacrifice pour un idéal est une valeur que nous a transmis Patrice Lumumba, ainsi que l’amour du pays ! » dit Floribert Anzuluni. Mais, plus de cinquante ans plus tard, le combat est différent car les dirigeants successifs ont détruit politiquement, économiquement et socialement le pays. Peu éduqués, la plupart des jeunes manquent totalement de repères. C’est ce déficit que veut combler le collectif : remettre à l’avant-plan des figures historiques porteuses d’un idéal pour que les jeunes générations aient des racines, des principes et des valeurs.
Au Sénégal, YAM a décidé d’agir plutôt que se plaindre face à la situation sociale et la succession d’émeutes de l’emploi ou de la faim qui bousculent le pays. À l’échelle nationale, YAM s’inscrit dans une trajectoire d’engagement. Le mouvement se décrit comme le fruit d’un processus qui remonte au conflit politique de 1962 entre le chef d’État Léopold Sédar Senghor et le président du Conseil Mamadou Dia. Sur la scène continentale, « nous ne sommes pas fermés sur une idéologie mais sommes inspirés par Lumumba, par Amilcar Cabral… » dit Aliou Sane. Ces figures emblématiques révolutionnaires incarnent des valeurs dont YAM s’inspire : la lutte, le courage, l’engagement et l’africanisme sont au cœur de leur combat.
Ces dernières années, sur le continent africain, de nombreux mouvements citoyens se sont levés pour réclamer le changement.
Au Sénégal, au Burkina Faso et en République démocratique du Congo notamment, de nombreux collectifs ont vu le jour pour dénoncer le mal-être de la population victime de l’injustice sociale, de la corruption et de la mal gouvernance des pouvoirs en place.
Y’en a marre (Sénégal) s’est ainsi mobilisé pour dénoncer la volonté du président Abdoulaye Wade, 85 ans, de modifier la Constitution et d’être candidat à sa propre succession lors du scrutin présidentiel de 2012. Cette dérive constitutionnelle couplée à d’incessantes coupures de courant ont ravivé la conscience de nombreux citoyens et leur volonté de faire bouger les choses. YAM est officiellement lancé en janvier 2011 lors d’une conférence de presse à la place du Souvenir africain sur la Corniche à Dakar. Très vite, le noyau dur composé d’une dizaine de personnes, lance un appel pour la création de relais locaux. Le mouvement s’amplifie et organise le 19 mars 2011 sa première manifestation publique, place de l’Indépendance à Dakar. La date est symbolique. Elle commémore l’arrivée au pouvoir du président Wade, mais dix ans après son élection, les promesses de changement et les vagues d’espoir suscitées se sont évanouies.
Le Balai citoyen (Burkina Faso) est également la résultante d’un ras-le-bol généralisé. Dès 2010, Smockey, rappeur et producteur burkinabè, et Sams’K Le Jah, chanteur de reggae et ancien animateur radio, commencent à s’organiser pour créer un nouveau mouvement de la société civile. Pour eux, la situation devient réellement insupportable. Les motifs d’insatisfaction sont nombreux. Blaise Compaoré, à la tête du pays depuis vingt-trois ans, a instauré une politique d’austérité. Les prix des denrées alimentaires, du pétrole et des logements ne cessent de grimper alors que nombre de Burkinabè n’ont pas d’emploi. Les crimes politiques ne se comptent plus, et demeurent impunis. Les dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo sont bloqués depuis des années. Il faudra cependant attendre 2013 pour que le mouvement se concrétise, dans l’urgence. Le 21 mai, le projet de mettre en place un Sénat est approuvé par l’Assemblée nationale. L’opposition se prononce contre ce nouvel organe législatif, elle le considère comme trop coûteux. Beaucoup craignent aussi que celui-ci n’ouvre la voie à la modification de l’article 37 de la Constitution, permettant à Blaise Compaoré de briguer un troisième mandat présidentiel.
En République démocratique du Congo, une nouvelle génération de citoyens s’est aussi levée. Dynamique récente, résolument non violente, elle est portée par toute la diversité actuelle de la jeunesse congolaise, des étudiants, des sans-emplois, des musiciens, des jeunes entrepreneurs et cadres d’entreprises… C’est en novembre 2012 que le mouvement se met en marche. Après une nouvelle détérioration de la situation politique, sociale, économique et sécuritaire à la suite d’une énième rébellion au Kivu, une dizaine de personnes de différents horizons se rencontrent, font part de leur frustration et s’interrogent sur l’incapacité chronique des institutions congolaises à défendre leur territoire et à protéger leurs citoyens. Pour eux, la prise de Goma le 20 novembre par les rebelles du M23, c’est l’humiliation de trop. Elle symbolise l’inexistence de l’État, voire sa complicité. C’est dans ce contexte que Filimbi voit le jour…
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