Dépenses militaires mondiales, production et transferts d’armements: les chiffres clés

23 Novembre 2016

Quels sont les principaux chiffres et tendances de l'année 2015 en matière de dépenses militaires, de production et de transferts d'armes ? (Voir aussi infographie ci-dessous)
Selon le SIPRI, les dépenses militaires mondiales pour 2015 sont estimées à 1 676 milliards USD au prix courant, soit une hausse de 1 % par rapport à 2014. Cette somme correspond à 2,3 % du produit intérieur brut mondial (PIB) et à une dépense annuelle moyenne d’environ 228 USD par habitant. L’année 2015 confirme une tendance à la baisse entamée en 2012 des dépenses militaires aux États-Unis et en Europe, bien qu’à un rythme moins important. Dans le reste du monde, la baisse des dépenses s’est accélérée en Amérique latine, et après plusieurs années de hausse, elles ont également diminué en Afrique. Les dépenses militaires en Asie, en Océanie, en Europe orientale et au Moyen-Orient continuent quant à elles d’augmenter.

Cet éclairage met en exergue les chiffres clés du rapport annuel du GRIP - Dépenses militaires, production et transferts d’armes - Compendium

Les 100 principales entreprises productrices d’armement dans le monde ont affiché globalement un chiffre d’affaires de 356,7 milliards USD en 2015

Avec le maintien de prix des produits pétroliers à un niveau bas, l’année 2016 pourrait bien marquer la fin d’une frénésie de dépenses militaires financées par des recettes pétrolières abondantes. 2016 pourrait également annoncer le retour à la hausse des dépenses militaires des États-Unis, dépenses en baisse de 4 % sur dix ans. Pays résolument le plus dépensier du monde, les États-Unis pèsent à eux seuls 35,6 % du total mondial.

Les États les plus dépensiers en 2015 sont ensuite la Chine (12,8 % du total mondial), l’Arabie saoudite (5,2 %), la Russie (4 %), et le Royaume-Uni (3,3 %). Ces cinq premiers pays totalisent 60,9 % des dépenses mondiales, alors que leur population ne représente que 26,3 % de la population du globe. En ce qui concerne les dépenses militaires par habitant en 2015, on trouve au sommet de la liste l’Arabie saoudite avec 2 764 USD par citoyen. Trois autres pays ont dépensé plus de 1 000 USD par habitant : les Émirats arabes unis (2 485 USD), Israël (1 921) et les États-Unis (1 854 USD).

En moyenne, pour les 28 pays membres de l’UE, les dépenses militaires représentaient 426 euros par habitant et 1,48 % du PIB en 2015. En Belgique, le budget militaire continue à diminuer pour la 8e année consécutive (-4,6 % à 4,2 milliards USD). Les dépenses militaires belges correspondent à 0,92 % de son PIB et 369 euros par habitant.

Voir aussi "Transferts mondiaux d'armements en chiffres et en images" (Infographie)

La production d’armements dans le monde

En 2015, les 100 principales entreprises productrices d’armement dans le monde ont affiché globalement un chiffre d’affaires de 356,7 milliards USD réalisés dans les contrats d’armement (sur un chiffre d’affaires total de 1 118,1 milliards USD), un chiffre en recul de 8,1 % par rapport à 2014. Il s’agit de la cinquième année consécutive de baisse (-17,4 % depuis 2010), après une hausse continue de +63 % entre 1998 et 2010.

Ce nouveau recul du chiffre d’affaires du secteur de l’armement en 2015 s’explique d’une part par la crise financière et les mesures de réduction des déficits publics – avec pour conséquence des réductions des dépenses militaires ainsi que quelques reports ou annulations de programmes d’équipements – mais aussi, d’autre part, l’évolution des conflits – en particulier les retraits d’Irak et d’Afghanistan – qui offraient jusqu’il y a peu des débouchés importants.

Cette baisse des revenus liés aux marchés de défense est cependant moins importante que celle constatée pour la part du chiffre d’affaires réalisé par ces groupes dans leurs activités civiles, également en forte diminution pour la troisième année consécutive. Les éditions précédentes du Compendium ont démontré que les marchés financiers semblaient considérer le secteur de l’armement comme une valeur de long terme, voire même une valeur refuge, lorsque s’effondraient d’autres pans de l’économie.

Le Top 100 de l’année 2015 compte 41 firmes américaines, 23 de l’Union européenne (y compris le Royaume-Uni) et 36 sociétés établies dans le reste du monde (y compris les pays européens non membres de l’UE). Si le haut du classement du Top 100 reste incontestablement de loin dominé par les firmes américaines, cette répartition en nombre de firmes selon leur nationalité indique depuis plusieurs années une lente érosion de la position des États-Unis et de l’Union européenne, au bénéfice d’un plus grand nombre d’acteurs majeurs dans le reste du monde, principalement au Japon (9 firmes), et en Russie (7 firmes dont 3 en tête du classement pour les firmes du reste du monde).

Les transferts internationaux d’armements conventionnels

En raison de la nature cyclique ou pluriannuelle des marchés de l’armement, l’appréciation des tendances en matière de transferts internationaux d’armements conventionnels se fait généralement sur la base de moyennes mobiles quinquennales. Selon le SIPRI, la moyenne annuelle de la période 2011-2015 (28,6 TIV[i]) est en hausse de 14 % par rapport à la moyenne des années 2006-2010 (25,1 TIV). Le volume des transferts des cinq dernières années est le plus important depuis la fin de la Guerre froide en 1989-1993.

L’essentiel du marché des armements conventionnels se partage entre un nombre très restreint d’acteurs, tant du côté de l’offre que de la demande. Les 28 États composant l’Union européenne, les États-Unis et la Russie se partagent environ 84 % des exportations mondiales de l’armement en 2015. Les 16 % restants se répartissent entre 163 pays. Les dix principaux exportateurs d’armes se partagent quant à eux plus de 88 % du volume total d’exportation d’armes de la période décennale 2006-2015. Les deux premiers exportateurs dominent à eux seuls plus de 55 % des transferts : ce sont les États-Unis (30,4 %) et la Russie (24,7 %). Les huit suivants ont des parts de marché inférieures à 8 %.

Cette concentration du marché de l’armement s’applique aussi du côté de la demande, mais de façon moins tranchée. Le Top 5 des principaux importateurs d’armes conventionnelles représentent 30 % de l’ensemble des importations d’armes pour la période 2006-2015. Les dix premiers importateurs constituent 47 % du total des transferts d’armements conventionnels au cours de la dernière décennie. L’Inde, en tête du classement, pèse pour 11,4 % du total et est suivie par la Chine (5,8 %) et l’Arabie saoudite (4,7 %).

La part de l’Union européenne dans les exportations mondiales d’armes conventionnelles s’établit à 28 % du total mondial pour la période 2006-2015, soit une baisse de 13 % entre 2006-2010 et 2011-2015. Six États membres de l’UE (Allemagne, France, Royaume-Uni, Espagne, Pays-Bas et Italie) figurent parmi les dix plus grands exportateurs d’armes dans le monde sur la période 2006-2015. Selon le SIPRI, la Belgique est le 21e exportateur et 71e importateurs d’armements conventionnels majeurs au monde. La Belgique pèse moins de 0,3 % du total global.

Valeur financière du commerce mondial des armements

Selon le SIPRI, les pays qui produisent avec régularité des rapports officiels sur leurs transferts d’armes représentent plus de 90 % de l’ensemble du commerce des armes. L’estimation de la valeur financière du commerce mondial des armements établie par le SIPRI consiste donc en l’addition des chiffres contenus dans les rapports nationaux officiels disponibles[ii]. Selon ces calculs, le SIPRI estime la valeur financière du commerce mondial des armements à 94,5 milliards de dollars pour l’année 2014, ce qui représente environ 0,4 % des échanges commerciaux mondiaux de biens et services[iii]. Après avoir constitué une part décroissante des échanges mondiaux de biens et services (0,6 % en 1998, 0,29 % en 2007 et 0,19 % en 2011), la proportion des exportations d’armes dans ces échanges semble repartie à la hausse en 2014 (elle était de 0,32 % en 2013).

L’auteur

Christophe Stiernon est chercheur au GRIP pour le projet « Armes légères et transferts d’armes ». Il travaille en particulier sur les questions liées au contrôle des transferts d’armements de l’Union européenne et les instruments internationaux de contrôle des armes légères et de petit calibre.



[i]. Le « Trend Indicator Value » (TIV) est un indicateur de tendance établi par le SIPRI, selon une grille de prix propre à l’organisation. Il mesure l’évolution dans le temps des flux d’armements entre les pays et les régions mais ne représente pas une valeur financière réelle des ventes d’armes. Plus d’info sur la méthodologie du SIPRI :           https://www.sipri.org/databases/armstransfers/background#TIV-tables

[ii]. Pour autant que les pays concernés aient publié un rapport pour au moins cinq des dix années de la période considérée, et seulement si le total annuel rapporté par le pays est supérieur à dix millions de dollars. Le SIPRI souligne néanmoins les limites inhérentes à l’obtention de ce résultat et indique que l’estimation de la valeur financière du commerce mondial des armements est certainement sous-évaluée.

[iii]. Estimés à 23 494 milliards de dollars en 2014 selon le Fonds monétaire international. Fonds monétaire international, Perspectives de l'économie mondiale, Une croissance trop faible depuis trop longtemps, avril 2016, tableau A9, p. 188.